Retrouver le goût du progrès

Les réseaux mobiles 5G sont en cours de déploiement. Il y a eu, et il y a encore des polémiques sur les “graves dangers” de la 5G. Pourtant, il ne s'agit là que de la 5G “banale”, avec les mêmes fréquences que la 4G. Que se passe-t-il?

L’anti-progrès idéologique

Dans tous les pays et toutes les langues, “demander la Lune” signifie demander l’impossible. Pourtant en 1962, JF. Kennedy a demandé la Lune aux ingénieurs et à l’industrie, et en 1969, c’était fait.

Autrefois, les progrès étaient des cadeaux surprises pour l’humanité.

Depuis la Lune, l’opinion publique pense qu’il n’y a rien d’impossible, que tout dépend de l’argent que l’on est prêt à consacrer. Le “progrès”, comme aspiration humaine, a disparu des discours, pour laisser la place à “l'innovation", un moyen de défendre la compétitivité et la marge des entreprises.

La relation aux vaccins est édifiante. Les vaccins contre la variole et la rage étaient salués comme des progrès par tous. Aujourd'hui, certains oublient les morts du CoVid, pour rejeter les vaccins car issus de la compétition entre laboratoires pour le profit.

Face à cette opposition politique, le rappel de l’histoire de la gauche, qui fut un fervent soutien au progrès contre l'obscurantisme, peut remettre les choses en place. La physique et l’industrie de l’atome sont largement le fruit de scientifiques et ingénieurs de gauche comme Einstein, Langevin, et les Curie.

L’anti-progrès par le peur du nouveau

L’opposition à la 5G n’est pas isolée. Elle rejoint celles à de nombreux progrès : nucléaire, OGM, Intelligence Artificielle, nanotechnologies, voiture autonome, objets connectés, Big Data, nouveaux vaccins, etc.

Face à la crainte de vivre avec une nouvelle technologie, le questionnement devrait non pas chercher en elle la perfection, mais la comparer à celle qu’elle remplace. Ex: une voiture plus protectrice est un progrès, même si elle n’évite pas toutes les blessures. La 5G rayonne moins que la 3G qu’elle va éliminer.

N’y a-t-il pas dans la peur du nouveau, l'angoisse de ne plus comprendre, d’être dépassé? Plus de dialogue avec des professionnels, et une meilleure pédagogie sur ces techniques peut apaiser les peurs.

L’anti-progrès par la mythification de la nature

Une autre façon de rejeter la modernité est de prôner un “retour à la nature”, vers un passé idéalisé.

Nous ne sommes pas là face à la nécessaire défense de notre environnement naturel, bien commun de l’humanité et des générations futures. Il s’agit plutôt d'une vénération quasi-religieuse d’une nature parfaite.

A l’opposé de ce rêve du passé, Vercors, dans Les animaux dénaturés, propose de définir l’homme, comme l’animal qui n’accepte pas sa condition, et qui veut toujours aller de l’avant.

L'histoire nous apprend la vie quotidienne dans les temps anciens, plus “naturels” mais aussi bien plus durs. La philosophie, avec ses débats, sait mettre du rationnel dans la relation entre l’humain et la nature.

A l’heure d’un changement des équilibres économiques, le rejet du progrès met en danger notre prospérité. Pour éviter cela, le dialogue doit être très large. Sans doute faut-il que les ingénieurs, trop absents des débats publics, y prennent davantage part, aux côtés des historiens et philosophes.

Pour construire l’avenir du pays, nous devons tous avoir ou retrouver le goût du progrès, un moteur essentiel de notre histoire 🀫


Carole Guillerm