Île-de-France Mobilités (IDFM)
Un service de transport qui se dégrade pour le voyageurs
Aujourd'hui prendre les transports en commun en IDF vire parfois à l’aventure. Une réalité : la fréquentation du métro remonte progressivement vers les niveaux d’avant CoVid, quand la fréquence des transports n’est toujours pas revenue au niveau de l’avant CoVid, et que le matériel s’use et s’abîme entraînant des pannes.
Aujourd’hui les voyageurs de plus en plus insatisfaits par des transports déficients, apprennent que ceux-ci vont être plus chers, avec une rumeur-annonce-menace : le Passe Navigo à 100€.
Les comptes d’IDFM et l’augmentation du Passe Navigo
En 2022, IDFM dépensera 14,7 Md€, décomposés comme suit :
en fonctionnement : 10,5 Md€ (4,6 Md€ pour la RATP, 1 Md€ pour les autres entreprises exploitant les bus et 0,8 Md€ pour les autres dépenses)
en investissement : 4,2 Md€ (1,9 Md€ pour le matériel roulant, 0,4 Md€ pour l’amélioration de la qualité de service, 0,4 Md€ pour la transition énergétique des centres opérationnels bus et 0,35 Md€ pour les projets en maîtrise d’ouvrage IDFM)
(source : communiqué de presse de IDF Mobilités du Jeudi 9 décembre 2021)
Pour 2023, Valérie Pécresse, présidente de IDFM, annonce un besoin de financement de 950 M€ pour équilibrer son budget. Pour expliquer ce montant, elle cite :
un remboursement annuel de la dette CoVid (130 M€) suite au prêt d'État “CoVid” de 2 Md€ à taux zéro sur 15 ans (source : V. Pécresse à France 3 Régions)
l’inflation et en particulier, hausse des coûts de l’énergie
les coûts liés aux nouvelles lignes non ouvertes comme celles du Grand Paris Express (100 M€ en 2023)
Un total de 500 M€ est déjà identifié (même source)
100 M€ «surprofits» de la SNCF
100 M€ de contribution de la RATP
100 M€ de contribution des collectivités locales
200 M€ d'économies d'IDFM
Il resterait ainsi 450 M€ à trouver.
Les pistes annoncées étaient alors
des compléments venant des collectivités locales
Refus. Elles entendent s’en tenir aux 100 M€ déjà acceptés.
des contributions complémentaires de 300 M€ à payer par les entreprises de plus de 11 salariés, ce qui réclamerait une loi
Refus. L’ex-candidate LR à la présidentielle a vu sa demande rejetée par les sénateurs de son propre parti qui se sont très largement prononcés contre, y compris les élus d’IDF !
une augmentation du Passe Navigo
Valérie Pécresse : «Je trouve totalement injuste et socialement insupportable que les voyageurs financent seuls les énormes besoins de 2023. Je compte sur Jean Castex (nouvellement nommé PDG de la RATP) pour mettre ce sujet à l'ordre du jour».
Sachant que 1€ sur Passe Navigo correspond à 30 M€ pour IDFM, il faudrait une augmentation de 15€ pour avoir les 450 M€ de recettes supplémentaires attendus. Cela ferait donc passer le forfait mensuel toutes zones de 75,20 € actuellement à 90,20€.
Quelques commentaires
La pression sur l’Etat de V. Pécresse aux allures de chantage au “Passe Navigo à 100€”, n’est sans doute pas la meilleure façon de discuter. Elle appelle aussi quelques commentaires.
Cette même responsable politique qui fustige la dette de l’Etat, lui demande maintenant de l’augmenter en prenant à sa charge la dette de la Région qu’elle gère, soit 2 Md€. De deux choses l’une : cela n’apporterait que 133 M€ au budget d’IDFM sur les 450 M€ recherchés. Par ailleurs, cet appel à la justice est difficile à entendre par nos concitoyens de province. En effet, comme contribuables de l’Etat, ils auraient à payer des impôts pour soutenir l’IDF, région la plus riche. Ce n’est pas le sens habituel de la solidarité.
Les pannes à répétition du RER qui pénalisent les voyageurs qui en ont besoin pour aller travailler, sont dues à un retard dans le renouvellement du matériel. De nouvelles rames auraient dû être commandées depuis des années. Que ce soit à cause d’un calcul pour avoir un bon bilan financier avant la Présidentielle de 2022, ou à cause de mauvais choix de gestion, les commandes sont trop récentes pour éviter une galère qui va donc durer, et bien sûr, peser sur les futurs comptes.
La Chambre Régionale des Comptes (CRC) pointe du doigt certains projets qui accusent des hausses significatives de coûts et des retards, en particulier celui du RER E Ouest (Eole), NExTEO (automatisation RER B et D), ou encore le T12. Ces dérapages atteignent des niveaux tels que la CRC a donné l’alerte.
Dans son rapport de 2020, la CRC a montré que la situation financière s'aggrave, et qu’il manquait déjà 8,5 Md€ pour la période de 2023 à 2030, soit 1 Md€ par an. L’endettement d’IDFM augmente rapidement. Le Grand Paris Express va arriver augmentant les coûts d’opération. Aucune pression pour avoir une quelconque aide étatique ne sera suffisante.
Il n’en demeure pas moins que, pour ce qui est des charges nouvelles citées par V.Pécresse, elles sont bien réelles, tant le remboursement de la dette CoVid (133 M€) ou que les premiers coûts de l’extension du métro du Grand Paris (100 M€), mais la projection de la montée des coûts chez IDFM est d’un autre ordre de grandeur.
Un plan moyen-long terme est nécessaire
Il faut travailler à construire un plan de financement réaliste qui inclut le prix du Pass Navigo. Ce plan devrait être présenté en Plénière au Conseil Régional au terme d’un dialogue ouvert avec les conseillers régionaux et tous les acteurs concernés. En sommes, faire des assises de la mobilités en IDF.
La Présidente de la Région IDF avait justifié sa promesse de non augmentation du Pass Navigo à l’horizon 2030 par une augmentation des recettes grâce à 3% de voyageurs en plus par an.
cette croissance est-elle réaliste ou doit-on la ré-estimer?
assurerait-elle les recettes nécessaires?
Les recettes complémentaires sans doute à développer bien au-delà des 300 M€ d’aujourd'hui:
l’affichage publicitaire qui peut être modernisé,
la location d’emplacement commerciaux sans doute à développer,
un partenariat avec des opérateurs nationaux que la RATP commence : une piste intéressante
etc
Le plan doit aussi intégrer des économies à réaliser par les opérateurs.
Le manque de conducteurs rend les travaux d’automatisation du métro plus nécessaires que jamais, d’autant que le recrutement doit aller en priorité vers les bus pour lesquels les conducteurs sont incontournables.
Enfin, la CRC a souligné l’impréparation à l’ouverture à la concurrence: Bus Optile en 2021, bus RATP d’ici 2025, trains SNCF de 2023 à 2033, tramways parisiens en 2030, RER et métros d’ici 2040. Le plan doit intégrer les changements d’organisations nécessaires et la mise en conformité globale d’IDFM pour une sortie de ce que la CRC appelle “l’insécurité juridique”.
On voit bien qu’il y a matière à la construction d’un plan global pour une solidité durable d’IDFM.
L’urgence est à la sortie des crises d’IDFM
Les discussions sont encore en cours entre IDFM et le gouvernement, mais il faut s’attendre à ce que la Région augmente le prix du Passe Navigo pour équilibrer les comptes 2023.
Il n’en demeure pas moins qu’au-delà de la question budgétaire, il y a le problème du service aujourd’hui très dégradé. Car si la hausse du prix du Pass Navigo doit représenter un effort pour les franciliens, ils sont en droit d’attendre en retour un service de qualité.
Jean Castex, récemment nommé, et qui est un solide gestionnaire et un homme de dialogue, aura à orchestrer le redressement de la RATP.
Plus globalement, la Région IDF, IDFM et la RATP doivent travailler ensemble et efficacement, les franciliens sont aujourd'hui légitimement impatients. 🀫
Carole Guillerm
Note: Le 6/12/22, Clément Beaune, Ministre des Transports, a accordé une aide exceptionnelle de 200 M€ à IDFM. "Le Gouvernement protège les Franciliens et tous les usagers des transports publics. L’Etat prend ses responsabilités pour éviter une explosion des tarifs, à la Région d’assumer les siennes."
Valérie Pécresse, Présidente de IDFM, a annoncé qu’elle allait porter le prix du Passe Navigo de 75,20 € à 84,10 €, soit une augmentation de 12%.